Chloé

Je m’appelle Chloé et j’ai 29 ans. Je suis tombée enceinte le 8 mars 2020. On s’entend-tu que c’est exactement au même moment que le confinement a commencé. Au printemps dernier, oui j’ai trouvé le temps long. Le premier confinement a été difficile, mais j’étais souvent fatiguée donc ça m’importait moins. Ensuite durant l’été, on avait le droit aux rassemblements de 10 personnes. Donc rendu là j’étais encore bien mentalement, parce que je voyais mon monde et je pouvais show off mon ventre. J’ai aussi été chanceuse parce que j’ai pu avec un beau gender reveal et un shower avec mon monde. J’avais donc peur de ne pas pouvoir à cause du Covid. Il n’y avait pas encore de stress intense reliée aux propagations et aux masques.

Ensuite est arrivé l’automne et là, tout a basculé. Je suis une personne de nature anxieuse. Quand la pandémie est devenue vraiment sérieuse, j’ai commencé à avoir vraiment peur. Cela a premièrement créé beaucoup d’anxiété en moi et beaucoup de tension dans mon couple. Mon chum n’a jamais eu le même point de vue que moi sur le Covid. Si cela n’était de lui, il ferait partie des gens qui continuent de voir du monde malgré les restrictions. Hélas, avec moi dans la maison, je le tenais littéralement en laisse. On s’entend-tu aussi sur ça, que ça a généré énormément de chicane entre nous !? Tant qu’à être dans le sujet, parlons de santé mentale… Il y a deux ans et demi, j’ai appris par ma psychologue qu’il ne me manquait pas beaucoup de critères pour avoir un diagnostic d’un TPL. Pour ma part, mon mécanisme de défense c’est la fuite. En relation amoureuse, quand ça devient chaud, j’ai besoin de partir de la maison pour ne pas dire ou faire des choses (à mon chum) que je peux regretter. Si on revient au contexte du Covid, je ne pouvais pas aller bien loin quand on se chicanait… Donc, en plus d’être enceinte et d’avoir les hormones dans le tapis, de me savoir « pognée dans maison » quand je bouille de colère et de ne pas pouvoir aller me réfugier chez ma mère ou ma sœur, oui ; cela m’a beaucoup angoissé et encore une fois ; ça a contribué à de nombreuses chicanes où parfois, je remettais même en doute mon choix de partenaire pour être le père de mon enfant. Maintenant avec du recul je sais exactement que c’était le stress de la grossesse, du Covid et de l’isolement social, mais à ce moment-là j’ai réellement eux des doutes.

J’étais tellement triste de ne pas pouvoir montrer mon ventre (qui était rendu très gros) aux membres de ma famille et mes amis. De ne pas pouvoir faire sentir les coups du bébé à mon entourage (parce que oui je fais partir de celles qui respectaient les consignes gouvernementales). Que mon chum n’a pu seulement assister à l’écho de 20 semaines. Et puis là, là 40 semaines approchaient. Je réalisais vraiment que ma mère ne pourrait pas être avec nous à l’accouchement. Je me fiais tellement sur elle pour m’épauler, puisqu’elle avait déjà passé par là deux fois (contrairement à mon chum évidemment). Je réalisais aussi que je n’allais pas avoir de visite qui va m’apporter des fleurs à l’hôpital. J’étais vraiment fâchée. Ensuite vient à passer aux nouvelles que les mamans ne pourront pas avoir le support du conjoint durant l’accouchement. Là c’était de trop. Je trouvais ça invivable. Encore une fois je stressais au max. Heureusement, le gouvernement a confirmé le contraire. Sans parler de la complexité de se trouver du linge de maternité (surtout quand le magasin #1 des femmes enceintes décide de fermer). La femme est à son apogée selon moi lorsqu’elle est enceinte. J’avais hâte d’avoir un gros ventre et de magasin du linge. Même chose pour bébé. Le trip de magasiner en ligne vs en personne n’est pas pareil. Ça fait partie d’un autre chose que la pandémie m’a privé.

Le moment venu : 38,5 semaines de fait. Mon bébé décide qu’elle veut sortir. On se rend donc à l’hôpital (encore une fois, l’hôpital c’est là que toutes les personnes atteintes du Covid vont et c’est également là où je m’en vais la donner naissance à mon bébé tout neuf) donc je stressais full. Finalement les 11 premières heures, ma maman m’a assisté par Facetime pour m’aider avec mes respirations. J’étais contente de la savoir malgré auprès de moi. Je m’étais préparée d’avance avec une grande glacière remplie de nourriture et de breuvages, car j’avais entendu dire qu’on ne pouvait pas sortir de la chambre. C’était effectivement le cas. On a dû attendre environ 10 h avant d’avoir les résultats. Les infirmières ont tellement été plus que parfaites. Tellement chaleureuses et compréhensives. Exactement le genre de soin qu’on a besoin durant la plus dure épreuve de notre vie, en plus en temps de pandémie.

Finalement 22 h et des complications plus tard, j’ai été admise en césarienne d’urgence ou j’ai faite la plus belle rencontre de ma vie. Ma petite fille Riley. J’étais exténuée. Je ne voulais que dormir et dormir. Les 48 h suivant l’accouchement se sont bien passées avec l’aide des infirmières et leurs supports, mais aussi avec la médication pour ma cicatrice. À ce moment-là, je dois avouer que j’étais bien contente de ne pas avoir de visite. J’étais juste trop fatiguée. Je crois que c’était la première fois que le confinement m’apportait du positif ; avoir le repos seul avec ma petite famille. C’est à ce moment que j’ai compris que mon chum avait été mon support numéro 1. Ce n’est plus ma mère, mais lui. Ce 22 h de douleur nous appartenait juste à nous deux.

Ensuite vient le retour à la maison. CATASTROPHE. Incapable de marcher pendant 1 semaine et ensuite marcher à 45 degrés à cause de la douleur de la césarienne. Impossible d’avoir de l’aide de la famille à cause des restrictions, mais aussi je ne voulais pas que personne ne donne le Covid à mon bébé. Donc non seulement je devais jongler avec un nouveau bébé à qui je n’étais pas capable de répondre aux besoins primaire, impossible d’avoir mon autonomie, incapable d’allaiter et impossible de monter mon bébé à famille. Je peux le dire que c’est totalement une déception. De la tristesse pure. Autant pour nous les parents que pour les proches. Oui facetime à beaucoup contribué, mais ce n’est pas pareille que de sentir l’odeur d’un nouveau-né. Bref, je n’ai jamais autant pleuré de ma vie. Appeler ma mère à 4 h du matin parce que je suis à boute de mon allaitement et que je regrette mon bébé tellement je suis exténué et qu’elle ne peut pas venir me supporter et me prendre dans ses bras. Une chance que j’aie un conjoint qui a pris 100 % soin de moi et notre fille pendant 1 semaine.

Ensuite vient le post-accouchement. Chose que je ne savais pas qui appelle le 4e trimestre. Et bien je l’ai vite compris. Non seulement j’ai un nouveau bébé, une plaie qui fait tout le bas de mon ventre et un isolement social, reste que mon chum sort de la maison. Est-ce que lui fait attention quand il va dans les dépanneurs mettre du gaz ? L’histoire continue de mon stress de pogner le maudit virus et de le donner à ma petite cocotte d’amour. Mes rendez-vous au docteur pour ma fille ou je sens que je suis un simple numéro et que je dois débouler mes questions le plus rapidement possible parce que mon doc est booké. Que je n’ai même pas droit à l’aide des infirmières, car celles-ci sont dans les CSHLD. Finalement le temps continue et on se porte bien tous les trois. Mais là je frappe un mur. Le temps est long seule à la maison.

Je ne sors pas dehors parce qu’il fait -40. Ma mère est venue voir ma fille 1 fois pendant 2 h maximum. Je n’arrête pas de pleurer parce que je me sens seule et j’ai mal au ventre.

Quand je fais FaceTime avec ma mère et qu’elle vient les yeux remplis d’eau, parce qu’elle manque tout ce temps avec le bébé de son bébé. Je m’ennuie d’elle et de tous les autres. Je m’ennuie de parler avec des adultes, de sentir de la chaleur humaine. Je ressens ce besoin de connexion avec d’autres, mais que je ne peux malheureusement pas.

Ensuite, quelques mois passent et je réalise que je suis encore full hormonale. Je ne savais pas qu’elles prenaient autant de temps à disparaitre ces hormones. J’apprends que j’ai une diastase abdominale. Ma fille a deux mois et j’ai encore l’air enceinte de 25 semaines. Tous me disent : C’est normal Chloé tu as donné la vie, laisse-toi du temps. Du temps !! Je suis tanné d’attendre après le temps. Je m’en merde, je pleure et je suis grosse. Ce n’est pas évident. L’isolement vient beaucoup chambouler notre vie. Est-ce que si j’avais à recommencer je déciderais d’attendre pour le projet bébé ? Je ne peux répondre à cette question en ayant ma fille dans mes bras. Parce que quand je la regarde je ne changerais rien au monde.

Aujourd’hui que le printemps est arrivé avec la chaleur, mon moral va beaucoup mieux. Je vais souvent marcher avec de nouvelles mamans quand il fait beau et on échange sur notre quotidien. Ça fait un bien fou de voir que nous ne sommes pas seules à vivre ainsi. Moi qui rêvais d’un congé de maternité à en profiter au max pour voir la famille. Hélas, je me reprendrai avec bébé #2.

Maintenant si je parle du futur en lien avec le Covid, j’ai peur pour la socialisation de ma fille. Quand ma mère vient m’aider (aidante naturelle), ma fille peut prendre jusqu’à 1 h avant d’arrêter de pleurer dans ses bras. Les bras de sa propre mamie qu’à 4 mois elle ne connaît pas. Est-ce que cela va avoir des répercussions plus tard ? Sans doute ! Je trouve ça vraiment triste de me dire que la pandémie prive ma fille de tout l’amour qu’elle mérite de connaître. Je sais que ce n’est que partie remise, mais ce temps perdu ne sera jamais rattrapé… Qu’est-ce que je fais pour contrer cela ? J’envoie des vidéos à mes proches pour qu’ils se sentent le moindrement impliqués dans la vie de ma fille.